Les truffes sont-elles indigestes
?
Extrait de « La Truffe » de A. Chatin
[ « La
truffe me disait un jour M. Hervé Mangon, professeur à
l'Ecole des ponts et chaussées, nourrit bien et diminue
la consommation de la viande dans les pays où elle est
commune. Quand j'étais à Carpentras, j'en faisais
entrer très-utilement de 60 à 90 grammes dans mon
régime tant que durait la saison de la récolte,
généralement abondante dans les environs. »
« Contrairement
à l'idée qu'on s'en forme dans le public, la Truffe
est un aliment azoté, animalisé, très-nourrisant.
Elle peut faire partie avec avantage de l'alimentation usuelle
(Martin-Ravel). » (1)
La composition
chimique des Truffes(...), composition dans laquelle entre pour
une proportion notable, l'azote, principe essentiellement animalisé
et aliment plastique, des matières grasses et de la mannite*, aliments respiratoires comme la fécule
(autrefois signalée dans la Truffe par Bouillon-Lagrange)
et le sucre, des acides végétaux (citrique et malique)
et un principe odorant ayant au moins des qualités condimentaires,
plus des sels minéraux très-utiles à l'économie,
rend parfaitement compte des propriétés essentiellement
réparatrices qu'on s'accorde chaque jour davantage à
leur reconnaître.
Mais les propriétés
alimentaires de la Truffe seraient-elles, comme on se plaît
à le répéter, beaucoup moins sur des observations
propres que pour dire comme les autres, contre-balancées
par des qualités echauffantes de nature à limiter
la consommation du délicieux champignon ? La truffe serait-elle
d'une digestion difficile ?
Sans doute
que si, après de bons et gros dîners, comme ceux
qui sur les tables de luxe, précèdent l'apparition
de la Truffe, on ajoute à la charge de l'estomac de 100
à 200 grammes de Truffes, on ne rendra pas sa digestion
plus facile, ce qui arrivera, au contraire, par l'usage d'une
petite quantité de celles-ci, dont l'arôme est un
doux excitant. Mais il en sera tout autrement si la Truffe entre
dans le régime au lieu et place d'autres aliments. Je
pourrais citer ma propre expérience, rendue très-complète
dans le cours d'un voyage de près d'un mois dans les pays
truffiers, voyage à la suite duquel je n'ai pu reconnaître
comme fondé aucun des reproches faits à la Truffe
; mais mon témoignage s'efface devant celui de Louis XVIII,
ce roi de si grande compétence gastronomique, et pour
qui la saison des Truffes durait toujours.
Que pensez-vous des truffes ? demandait-il
un jour à son médecin Portal ; je gage que vous
les défendez à vos malades. Mais, Sire,
je les crois un peu indigestes. « Les
Truffes, docteur, ne sont pas ce qu'un vain peuple pense, »
réplique le roi, tout en dépêchant un gros
plat de Truffes sautées au vin de Champagne.
Qui ne sait,
d'ailleurs, que le docteur Malonet en dévorait 1 ou 2
livres (500 à 1000 grammes), assurant qu'elles aidaient
sa digestion, et que Galien ne s'opposait pas à ce qu'on
les mangeât crues. Je ne me suis jamais mal trouvé
d'être de l'avis de Louis XVIII, même de celui
de Galien. ]
A. Chatin,
« La Truffe », Paris, 1869. p. 171-173.
Consulter
les trois pages originales numérisées
Texte
de J.A. Savarin dans la physiologie du goût.
Quelle
est la valeur nutritive d'une truffe ?
* La mannite (pas
l'amanite) terme aujourd'hui plutôt remplacé par
mannitol. C'est un polyalcool dont l'antipode dextrogyre,
le D-mannitol est contenu dans la manne du frêne. L'oxydation
du mannitol conduit au mannose et au fructose. Le mannitol est
utilisé dans l'industrie électrique et l'industrie
des matières plastiques. Le mannitol est aussi utilisé
pour son action laxative. (D'après le Larousse encyclopédique).