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Editions Pétrarques
Patrice d'Arfeuille
34/38 rue Camille Pelletran
92309 Levallois-Perret Cedex

ISBN 2-911730-01-1

 

 

Gérard Chevalier, chargé de recherche INRA de Clermond-Ferrand, spécialiste des champignons ectomycorhiziens comestibles. Fervent défenseur de la truffe de Bourgogne. Pionnier, il est l'un des premiers à avoir relancé la culture de la truffe de Bourgogne en implantant lui-même une truffière.

 

Henri Frochot, responsable des recherches au Centre de Recherches Forestières INRA de Nancy. Ingénieur de recherches, spécialiste de la croissance juvénile des peuplements forestiers. En apportant, ses compétences techniques, expérimentales, il joue un rôle moteur au sein de l'Association Meusienne des Planteurs et Promoteurs de la Truffe en Lorraine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Truffe
de Bourgogne
   
   (Tuber uncinatum Chatin)


Photo : L. Riousset
Asques et ascospores
de T. uncinatum
(Coloration au bleu lactique)

 

 

« Enfin un ouvrage de référence sur la truffe de Bourgogne ! Sa parution marque une date dans l'histoire de la truffe et de la trufficulture, puisque jusqu'ici, tous les ouvrages édités en France étaient consacrés à la truffe du Périgord.

L'ouvrage écrit par deux chercheurs de l'INRA, en collaboration avec des spécialistes des domaines les plus variés, comble cet oubli. Véritable monographie de la truffe de Bourgogne, synthèse de plus de 25 années d'observations et d'expérimentations, ce livre dit tout sur cette truffe :

Les mystères dévoilés d'un champignon mycorhizien, ses péripéties souterraines, depuis son association avec les arbres de son choix jusqu'à la production.

Comment la différencier des autres truffes et la reconnaître dans le cortège des autres champignons qui se développent sous terre ?
Où la trouver en France et en Europe : sol, climat, flore associée, et dans quel habitat ?
Comment la cultiver : des choix fondamentaux à la réalisation et à l'entretien des plantations truffières ?
De la recherche passionnante à la récolte, la commercialisation et la transformation.
Enfin les recettes, conseils gastronomiques et oenologiques, qui permettent de mettre en valeur ses propriétés culinaires subtiles.

A la fois synthèse scientifique et manuel pratique, cet ouvrage de référence s'adresse à un large public et doit satisfaire les curieux (...) »

 

280 pages
100 photographies

DG

 

 

 

 

  Extrait du livre, p. 45

Chapitre 1.5

La truffe de Bourgogne
dans la classification des truffes

Note

La truffe de Bourgogne fait partie des truffes du groupe aestivum. Les truffes du groupe aestivum au sens large, appelées en France « truffes d'été, truffes de la Saint Jean, maïenques, truffes de Bourgogne » et en Italie « tartufi estivi, scorzoni », sont très répandues en Europe : leur aire de distribution s'étend de la côte méditerranéenne à la Scandinavie et de la côte atlantique à l'ex-U.R.S.S. Leur intérêt économique est important.

L'extrême variabilité des caractères morphologiques des ascocarpes explique que ces truffes aient reçu des dénominations variées: T. aestivum Vitt., T. aestivum Vitt. var. aestivum Vitt., T. albidum Fr., T. uncinatum Chat., T. blotii Desl., T. aestivum Vitt. var. uncinatum (Chatin) Chevalier et Riousset. Leur taxonomie et leur nomenclature n'en ont été que plus compliquées. L'imprécision des règlements nationaux et internationaux sur la commercialisation des truffes en est une conséquence directe.

Les truffes du groupe aestivum sont l'objet d'une controverse dont l'origine remonte à 1887, année où le mycologue français CHATIN a décidé de scinder l'espèce T. aestivum définie plus tôt par VITTADINI (1831), en deux taxons distincts : T. aestivum Vitt. et T. uncinatum Chat. CHATIN différenciait les deux espèces par les critères suivants :

 

. Taille et morphologie des verrues du péridium
(moins grosses et non striées en travers chez T. uncinatum),

. Ornementation des spores (présence de « papilles » crochues chez T. uncinatum),

. Couleur de la gleba (plus foncée, à maturité, chez T. uncinatum),

. Odeur (plus agréable T. uncinatum),

. Date de maturité (mai à juillet, pour T. aestivum ; octobre à décembre pour T. uncinatum).

 

Dix ans plus tard, FISCHER considère T. uncinatum comme une sous-espèce de T. aestivum ; selon lui, T. uncinatum ne diffère de T. aestivum typicum que par le développement important du réseau membraneux qui orne les spores : le réseau surmonté de « papilles » en crochet, décrit par CHATIN, serait, en réalité, un réseau à cloisons flexueuses, apparaissant, de profil, plus ou moins crochues.

A la suite de FISCHER, HOLLOS (1911) et KNAPP (1950) considèrent T. uncinatum comme une simple variété de T. aestivum. LANGE, dans Danish Hypogeous Macromycètes (1956), parle de T. aestivum subsp. uncinatum (Chatin) Fischer. Enfin, HAWKER (1954), CERUTI (1960) et SZMERE (1965) assimilent tout simplement T. uncinatum à T. aestivum.

Les avis divergeant donc fortement suivant les auteurs, nous avons tenté une approche scientifique en étudiant en détail la morphologie et les caractères organoleptiques d'une centaine d'ascocarpes provenant de régions de France différentes et correspondant respectivement aux types aestivum et  uncinatum au sens de CHATIN. (....)

 

 

 
 

 

Extrait du livre, p. 50

Chapitre 1.5.2. Géographie comparée

 

Comme l'affirmait déjà CHATIN, nous avons pu constater que, partout en France le T. uncinatum est présent dans les mêmes zones que les autres truffes, puisqu'on peut le récolter aussi bien en Quercy-Périgord que dans le Dauphiné et en Provence, cependant son aire de prédilection se situe en Bourgogne et Champagne ; de là, T. uncinatum s'étend vers le nord et le sud ; il est commun en Lorraine et Franche-Comté ; par le Jura et la Bresse, il rejoint le Dauphiné où il n'est pas rare sur les coteaux de la rive gauche de l'Isère. T. uncinatum  n'est pas rare non plus dans la région parisienne, en Normandie, dans le nord de la France (Aisne : Chemin des Dames, région de Sissonne) et en Auvergne.

T. aestivum  semble, par contre, avoir son centre géographique limité au sud-est de la France. Nous n'avons pas récolté des exemplaires de type « aestivum » dans le Centre, le Nord-Est et la région parisienne, contrairement à CHATIN.

 

 

 

 

 Extrait du livre, p. 50

Chapitre 1.5.3.

 

Ecologie comparée

 

De même que la répartition géographique, l'écologie des truffes diffère, suivant qu'il s'agit des types « aestivum » ou « uncinatum ».

T. uncinatum est associé essentiellement aux chênes (pédonculé, sessile, pubescent), au noisetier, au charme, au pin noir d' Autriche, plus rarement au bouleau et au hêtre, tandis que, dans le Midi de la France, T. aestivum vit en symbiose avec le chêne pubescent et le chêne vert.

En Ombrie (Italie du Centre), T. uncinatum se développe indifféremment sous chêne pubescent, chêne chevelu (Quercus cerris), charme noir (Ostrya cartinifolia), hêtre, pins, alors que T. aestivum  se développe surtout sous chêne pubescent (GRANETTI, comm. pers.).

Dans l'est de la France, T. uncinatum fructifie dans les friches ou dans les bois de feuillus ou de pins noirs, en lisière et même en pleine forêt. Le champignon évite les endroits exposés aux rayons directs et desséchants du soleil; il se retire dans les zones mi-ombragées; il lui faut une ombre exactement dosée. Les brûlés sont discrets ou inexistants. L'exposition est indifférente, bien que, les années sèches, les corps fructifères se développent plutôt au nord. Le T. uncinatum est relativement exigeant en eau.

Dans le sud de la France, au contraire, T. aestivum se développe sous une végétation clairsemée, souvent en plein soleil, comme T. melanosporum, et aux mêmes endroits. Les brûlés sont très nets.

 

En Italie, T. uncinatum se développe sur des terrains marneux et argileux, en colline ou en montagne, à des altitudes plus élevées que T. aestivum (jusqu'à 1100 mètres) ; à des altitudes plus basses, T. uncinatum se développe surtout au nord. En Ombrie, T. uncinatum préfère les bois denses, riches en humus ; on trouve les corps fructifères sous la mousse et sous la litière des aiguilles de pins, à plus grande profondeur que ceux de T. aestivum. T. aestivum préfère, au contraire, les bois clairs de chênes pubescents et les lisières. Les truffes sont superficielles (2 à 4 cm de profondeur) et le parfum est faible, peut-être parce que la maturation est incomplète, du fait de la siccité du sol en surface (GRANETTI, comm. pers.).

Enfin, les époques de maturité des deux truffes ne sont pas identiques ; selon CHATIN, de mai à août pour T. aestivum et d'octobre à décembre (jusque mars) pour T. uncinatum . En fait, on peut trouver des exemplaires immatures de T. uncinatum dès la mi-juin et des exemplaires très murs de T. aestivum jusqu'en décembre - janvier.

Nous avions pensé, au début de nos recherches, que T. aestivum fournissait deux poussées successives, la première en mai-août, donnant des corps fructifères du type « aestivum ss. stricto » qui pourrissaient souvent avant d'avoir atteint leur maturité complète, la seconde à l'automne, donnant des corps fructifères du type « uncinatum », mûrissant plus lentement et, par suite, plus parfumés; en fait, on trouve déjà, à la poussée estivale, dans les truffières à T. uncinatum , des corps fructifères présentant le facies « uncinatum », c'est-à-dire à spores pourvues d'un réseau profond à longues crêtes crochues ; ce réseau est cependant moins développé que dans les exemplaires mûrs. Cela conforte la distinction entre T. aestivum et T. uncinatum .

A l'époque, ces différences d'écologie nous avaient amené à la conclusion qu'à défaut d'espèces distinctes, on pouvait au moins avoir à faire à deux écotypes de T. aestivum au sens large, l'un « nordique », moins exigeant en température mais plus exigeant en humidité, et l'autre « méridional », avec des exigences inverses (CHEVALIER et al., 1978 b). Selon PACIONI et POMPONI (1991), il existerait au moins 8 écotypes différents de T. aestivum en Europe!

Bien que les époques de maturité des truffes des deux taxons aestivum et uncinatum ne soient pas identiques, elles se développent pour ainsi dire toute l'année. Leur mycélium engendre plusieurs productions successives. La première production annuelle commence fin avril dans le Midi de la France, fin juin dans le Nord-Est; elle fournit des truffes peu odorantes, qui se dégradent facilement dans le sol, avant maturité. Seuls les corps fructifères qui se développent par la suite sont capables d'atteindre leur maturité complète.

Les tubercules de T. aestivum se forment à la mi-février, les premières récoltes commencent au mois de mai (d'où l'appellation de « maïenque », « maggiengo » en italien). Il faut cependant préciser que l'on ne trouve T. aestivum à maturité qu'aux mois d'août et septembre, à condition toutefois qu'il y ait quelques pluies d'été, sinon, dès juillet, la pousse s'arrête et les corps fructifères encore présents dans la terre sèchent ou moisissent rapidement. Lorsqu'ont lieu les grosses récoltes, en mai-juin, avant les grandes chaleurs estivales, la maturité des tubercules n'est jamais achevée, ou très rarement, ce qui explique leur qualité médiocre. VITTADINI déplore déjà, en 1831, que les ramasseurs de truffes portent sur les marchés, dès le mois de mai, des truffes immatures à chair encore blanche, « à odeur nulle et à saveur peu différente de celle d'une pomme de terre », pour gagner de l'argent. Les bonnes années de production (par exemple, 1977), T. aestivum se récolte jusqu'à l'automne, voire de novembre à février ; sa qualité voisine alors celle de T. uncinatum .

Les premiers corps fructifères de T. uncinatum apparaissent dès la mi-juin, dans l'est de la France, mais leur maturation est conditionnée, comme celle de T. aestivum, par les pluies de juillet. Les corps fructifères précoces se dessèchent ou pourrissent souvent avant d'avoir atteint leur maturité complète, par suite des conditions climatiques estivales impropres à un déroulement normal des processus de maturation (chaleur excessive et sécheresse estivale). La grosse récolte a lieu à l'automne (octobre-novembre) ; à cette époque, la maturation est plus progressive et les corps fructifères sont plus parfumés (comme pour T. aestivum). La récolte peut se poursuivre jusqu'à janvier, février, et l'on peut trouver encore quelques rares exemplaires isolés en avril-mai. CHATIN n'a donc pas tort, lorsqu'il écrit que la saison préférentielle de maturation de son T. uncinatum est la fin de l'automne, et non l'été. (...)